Un jour on ira dans les montagnes du monde, là où soufflent
des braises apeurées. On oubliera le vent qui rugit au dehors, on aura plus que
ces arbres morts imprimés sur nos rétines sans formes. Où est passé ce soleil
sans nuage qui fait rêver le temps au-delà des frontières ? Des fois cents
fois il renaît sous nos yeux écarquelés et sait guérir l’ombre de nos corps
endormis.
Un jour, on ira sur les flancs des montagnes pour sentir l’extérieur
d’un souffle qui fait trembler un cœur las. On navigue au milieu des sapins, à
minuit, quand le monde encore vierge de nos vies trop pressées sait saisir dans
un pas le battement d’un monde qui s’écroule.
Un jour on ira en haut de cette montagne pour regarder les
ruines et vouloir rebâtir ces collines aux flancs troués, ces villes aux cœurs
brisés, ces champs aux peaux ridées.
Un jour, on aura plus que nos cœurs pour battre et se
battre. On sera bien obligés de trouver autre chose que des mots sans panache
pour construire des empires de non-sens sans navire. On sera bien obligés de
trouver autre chose que nos mains pour réussir à faire jaillir une source dans
le regard de l’autre.
Un jour, on descendra la montagne pour voir qu’en bas, même
si ce n’est pas au cœur de celle-ci, même si ce n’est pas sur ses flancs
élancés, même si ce n’est pas sur sommet glorieux, il y a bien assez de quoi
vivre.
Nos rétines iront mieux sous ce soleil de début du monde.
Les ombres ciselées qui nous ont hantées s’éteindront sous les feux de nos
foyers lumière. Les talons grèves de nos chaussures tempêtes résonneront… Puis
s’éteindront.
Et ce sera fini
La brise aura soufflé le vent.